Le projet en deux mots
Le projet FADEAU propose une solution alternative de traitement des eaux par adsorption sur charbon actif en proposant l'usage de nanofibres de protéines biosourcées offrant ainsi une option moins coûteuse et plus écologique que les techniques actuelles et pour un traitement d'une gamme large de polluants.
Contexte et enjeux
La législation actuelle provoque un changement de l’équilibre entre le foncier constructible et le non constructible. Avec une volonté affirmée de respecter la loi climat résilience impliquant la réduction progressive de l’artificialisation des sols jusqu'à obtenir le "Zéro Artificialisation nette” en 2050, la remobilisation des friches est indispensable. Or les friches industrielles sont souvent marquées par une pollution de leurs sous-sols et donc des aquifères sous-jacents. Avec un impact constaté de la pollution sur toutes les ressources hydriques (y compris l’eau de pluie, elles sont rentrées au coeur de toutes les préoccupations environnementales, le ministère de la Transition écologique en faisant un enjeu majeur pour les générations futures et la préservation des écosystèmes aquatiques. Si une amélioration constante des paramètres surveillés est observée (90% d'ammonium en moins dans le Rhône en 50 ans), il existe des pollutions persistantes qui s’accumulent dans l’environnement (organochlorés lourds, pesticides, PCB, métabolites...).
Pour soutenir l’amélioration de la qualité de l’environnement, encouragée par de grands plans nationaux au niveau des eaux et sols, il convient d’identifier de nouveaux procédés de dépollution pour ces composés toxiques, stables et bioaccumulables et d’anticiper l’élargissement de la liste des composés à traiter. Très récemment, un scandale sanitaire sur la pollution des eaux et des sols en région Auvergne Rhône Alpes par les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), polluants perpétuels non biodégradables et hautement toxiques pour les organismes vivants, a été mis à jour.
Les coûts financiers de dépollution sont toujours importants et plus encore pour les polluants organiques persistants (POP) qui sont extrêmement élevés et présentent un coût environnemental fort. Ces polluants peuvent également se dégrader partiellement dans l’environnement et générer des métabolites. Beaucoup de ces produits sont peu ou mal connus, et de ce fait ne sont ni étudiés ni recherchés lors des diagnostics de sols. Or ces polluants devraient également être pris en charge lors de la dépollution des sites.
Comme toutes les pollutions organiques et inorganiques « standards », les polluants sont souvent diffus dans le milieu. Dans le cas de pollution importante, les terres peuvent être déplacées dans des centres agrées où elles seront traitées ou simplement stockées dans des conditions contrôlées, moyennant un coût financier et carbone élevé. Cette solution ne résout pas la problématique de la dispersion et de l’infiltration de la pollution dans les eaux de surfaces et souterraines. Notre solution permettra de gérer la dispersion sous forme de panache de la pollution dans les eaux souterraines mais également de traiter les eaux de ruissellement via une barrière perméable ou par pompage/filtration des eaux souterraines à moindres coûts.
Au niveau national de très nombreux sites sont concernés (262 000 friches potentiellement polluées identifiées en France). Ces sites pollués sont souvent impactés par des pollutions d’origines multiples liées aux activités humaines sur ces surfaces. Contrairement aux monopollutions, permettant de gérer la pollution avec une technique unique et limitant les coûts, les pollutions multiparamètres (organiques, halogénés, inorganique,…) rendent les dépollutions plus complexes encore et nécessitent l’utilisation de techniques diverses alourdissant les coûts financiers et environnementaux.
A ce jour, les guides de référence dans la dépollution des sites et sols pollués, comme le guide ESTRAPOL publié fin 2019 par l’ADEME ne permettent pas une prise en charge complète de toutes les pollutions à moindre coût.
L’un des principaux freins à la remise en état de ces sites pour une utilisation nouvelle étant financier et les coûts de dépollution des POPs étant bien supérieurs à ceux des composés volatils (COV, COHV), hydrocarburés ou métalliques (qui viennent en partie s’additionner à ceux des POPs) ils rendent les opérations de dépollution très onéreuses et souvent irréalisables sans l’aide de financements publics. Plus particulièrement, pour les sites « orphelins » n’ayant plus responsables solvables, qui sont mis en «tutelle » sous la responsabilité de l'État et notamment de l’ADEME.
Objectifs
L’expertise des partenaires du projet montre des besoins simples mais stricts et complexes à obtenir dans le cadre de la gestion des sites et sols pollués.
- Réduire le coût carbone de la dépollution des eaux (et des sols)
- Simplifier avec une technique unique capable de traiter tous les polluants
- Réduire les coûts financiers
- Rendre la technique accessible aisément et à moindre coûts
Le projet FADEAU s’intéressera en priorité au traitement des eaux, ce qui mécaniquement aura un impact sur la pollution du sol en raison de la percolation des polluants. Cet effet bien que recherché ne sera pas priorisé dans ce projet. Dans le cadre de la simplification des techniques de dépollution des eaux souterraines, de la réduction des coûts financiers et environnementaux et pour permettre une réhabilitation des friches industrielles et des sites et sols pollués, les partenaires du projet FADEAU souhaitent démontrer la possibilité d’utiliser une technique innovante basée sur un coproduit déchet de l’industrie laitière.
La fibre amyloïde, issue du petit lait, coproduit faiblement valorisé de l’industrie laitière, est composée exclusivement de protéine. En provoquant l’agglutination des protéines les unes aux autres il est constitué des fibrilles puis des fibres par un traitement mécanique couramment rencontré et maîtrisé dans l’industrie du textile. La parfaite maîtrise des techniques de filage et tissage, préalablement mise en oeuvre par l’ENSAIT, permet la maîtrise du produit de base avant le démarrage du projet FADEAU.
A noter que le filage de la protéine amyloïde ne se fait pas sur un produit pur actuellement mais sur un mix Protéine/EVA 20/80 %w/w. Ces ratios peuvent être modifiés sans trop de contraintes sur le filage, mais peuvent modifier les caractéristiques techniques des fibres.
Le ratio 20/80 w/w étant à ce jour un bon compromis pour la partie textile, le projet utilisera ce produit comme base de travail. Les résultats sur les propriétés absorbantes des protéines dans les fibres seront un critère pour une possible évolution de la composition en ratio des fibres. Divers ratios seront donc testés à minima en laboratoire.
Dans une phase préliminaire au projet FADEAU, des essais réalisés sur le produit ont démontré une forte capacité d’adsorption notamment sur plusieurs colorants massivement utilisés dans l’industrie textile dont la Rhodamine B.
Objectif 1 : Evaluer la capacité dépolluante des fibres amyloïdes en conditions contrôlées
Le premier objectif du projet sera de démontrer la capacité dépolluante du produit sur les polluants rencontrés dans l’univers des sites et sols pollués. En phase 1, les travaux de recherches porteront sur la définition précise de la capacité d’adsorption de ce produit en fonction des familles de polluants, de sa capacité de rétention ainsi que sur son taux de saturation sur des matrices aqueuses artificiellement polluées. Dans une seconde partie de la phase 1 du projet, des matrices artificielles mixtes, contenant plusieurs polluants de natures différentes (par exemple PCB et HCT, ou HAP et COHV,...) permettront d’évaluer la compétition des polluants entre eux pour l’adsorption sur le produit. La géométrie spatiale des polluants, la masse moléculaire, la polarité, la miscibilité à l’eau pourraient procurer des avantages compétitifs à certains polluants pour l’adsorption générant des déficits de dépollution en cas de pollution multi paramètres. Ces problématiques identiques à celles du charbon actif doivent être éclaircies. Parmi les polluants déjà testés avec succès selon la littérature, aucun n’a été testé en mélange. Cette phase est donc essentielle avant de tester le produit en milieu naturel. Les travaux de cette phase 1 en laboratoire permettront la mise en évidence de la capacité dépolluante du produit en milieu contrôlé. Lors de la dernière phase du projet, et avec les résultats obtenus, une définition complémentaire du produit portera sur la définition de la forme la plus adaptée et les taux de charges les plus efficaces. En effet, au-delà de la modification des ratios entraînant une modification des taux de charges, les protéines peuvent être modifiées (chimiquement). Les premiers essais seront réalisés au CEA (sur fonds propres) en même temps que FADEAU. En cas de réussite, les premières validations de ces nanofibres avancées en conditions réelles pourront être intégrées à la fin du projet FADEAU.
Objectif 2 démonter la capacité dépolluante des fibres amyloïdes en conditions réelles
Les résultats du projet sur l’objectif 1 permettront d’aborder le second objectif du projet qui sera de démontrer la capacité de fibre à dépolluer les sols en matrice réelle et donc chargé en composés non cibles. Si l’exclusion parfaite des composés non cibles n’est pas possible, les fibres développées devraient démontrer d’une préférence d’adsorption pour les polluants suffisante pour dépolluer les eaux. Notamment, il a été démontré dans la littérature que les fibres amyloïdes présentent une affinité plus forte pour les métaux « lourd » que pour les composés métalliques du sol (Ca, Si, Mg, …)
2.1 dépollution en matrice réelle
Dans la première phase de cette seconde partie du projet FADEAU, les fibres seront testées en laboratoire sur matrice réelle. Les tests de dépollution de ces matrices permettent d’observer la capacité dépolluante "sélective" des fibres. Des prélèvements d’eaux sur plusieurs sites différents présentant des pollutions simples avec un ou deux de paramètres puis des pollutions plus complexe et multi paramètres seront dépollués par les fibres amyloïdes Les travaux de définitions des fibres en matrices réelles en laboratoire seront critiques pour la suite du programme. Ainsi cette étape sera cruciale pour démontrer de la faisabilité du transfert de la technologie sur le terrain et le développement futur d’une preuve de concept terrain. Les travaux porteront donc sur de multiples échantillons multisourcés avec divers polluants tant organiques qu’inorganiques.
2.2 Pilotage des protéines
C’est lors de la seconde phase qu’un travail sur les protéines pourrait être nécessaire pour cibler plus spécifiquement certains composants. L’adaptation des protéines rend les fibres amyloïdes paramétrables pour la dépollution ciblée d’eaux contaminées. En challengeant les capacités techniques des fibres selon les multiples paramètres indiqués ci-dessus auxquels peuvent s’ajouter des paramètres chimiques inhérent à la nature des sols (pH, Conductivité, Températures, …), la robustesse du projet et la faisabilité du passage au prototype terrain sont garantis.
2.3 Evaluation terrain
Une troisième phase hypothétique de cette seconde partie du projet consistera à tester les fibres sur le terrain d’où sont issues les matrices précédentes. Les partenaires ont identifié divers sites présentant une pollution multiple complexe, présentant des difficultés importantes lors de la dépollution. Ces propositions pourraient évoluer selon les résultats des phases précédentes.
Objectif 3 : Coût environnemental, sourcing et cycle de vie du produit
L’objectif du projet est donc de proposer l’utilisation d’un produit biologique, biodégradable, ayant une empreinte carbone faible en remplacement du charbon actif présentant une empreinte carbone élevée et nécessitant une destruction après utilisation. Les fibres amyloïdes seront régénérables par désorption à 100°C (ou éventuellement par traitement par bain acide). La capacité de régénération à basse température (100°C) permet de conserver un système écologiquement vertueux, d’autant qu’un traitement thermique pourrait restaurer intégralement les capacités d’adsorption voir les améliorer. Diverses études seront menées sur la biodégradabilité du produit, après retraitement par désorption. Aujourd’hui le sourcing est basé sur un coproduit de l’industrie laitière non/peu valorisé ne créant pas de tension sur son approvisionnement. A l’initiation de ce projet les protéines utilisées sont particulièrement pures et raffinées induisant un coût élevé. L’utilisation de protéines brutes moins travaillées permettra de réduire les coûts sans impact sur l’efficacité. A plus grande échelle, il sera utilisé des WPC (Whey Protein Concentrate), du WPC80 ou WPI. Lors de l’industrialisation des fibres amyloïdes, il pourra être fait emploi, soit de lactosérum, soit de WPC à teneur plus basse en protéines avec une étape de filtration, avant la fabrication des fibres. Un laboratoire de l’INRAE qui développe ces méthodes pour l’industrie et en contact avec le CEA sur cet aspect confirme la faisabilité. A partir de la preuve de concept, d’autres sources de protéines « déchets » pourraient être envisagées pour une réduction supplémentaire des coûts. L’adsorption non spécifique des fibres étudiées dans ce projet permettra une dépollution globale des polluants organiques (persistants et non persistants) et inorganique en simplifiant les méthodes de mise en oeuvre. Ces développements permettront donc de proposer de nouvelles techniques de dépollution des eaux moins coûteuses, techniquement simples à mettre en oeuvre et générant un déchet concentré, simple à gérer, stocker, régénérer et détruire.
Déroulement
La pression actuelle sur le foncier constructible (loi climat résilience avec zéro artificialisation net en 2050) nécessite une remobilisation rapide des friches industrielles afin de permettre dans un grand nombre de cas leur transformation en surface résidentielle. Or ces sites présentent souvent les stigmates de l’activité passée et nécessitent d’être pris en charge pour leur remise en état.
La dépollution de ces terrains implique des coûts importants, tant financiers que écologiques et environnementaux, avec la mise en oeuvre de moyens techniques lourds (Excavation des terres et transport routier, traitements chimiques et thermiques in-situ et/ou ex-situ, …). D’autant que les pollutions sont souvent complexes avec une mixité de polluants (organiques et inorganiques) répartis de façon hétérogène.
FADEAU propose une solution alternative, et complémentaire, aux solutions actuelles notamment à celles basées sur l’utilisation de charbon actif. Les nanofibres de protéines qui sont proposées pour le projet FADEAU, sont biosourcées et possèdent de très bonnes propriétés de captation de polluants de diverses natures (organiques : POP, halogénés, hydrocarbures…, et inorganiques : métaux lourds…), avec notamment de meilleures performances que le charbon actif pour les polluants inorganiques. Ces nanofibres de protéines, une fois incorporées dans une matrice de polymère peuvent être utilisées pour la fabrication de textiles (technologie à ce jour disponible à l’échelle pré-industrielle) et gardent leurs propriétés de captation des polluants, ce qui permet d’envisager leur mise en oeuvre dans divers environnements.
En ciblant prioritairement la matrice eau (superficielle et souterraine) l’objectif du projet FADEAU est de valider les capacités d’adsorption, de rétention, de saturation et de régénération de ces matériaux dans un premier temps en conditions contrôlées (laboratoire) puis en conditions réelles. Les essais s’appuieront sur, des solutions synthétiques composées d’un polluant unique (issus des diverses familles étudiées : hydrocarbures, organochlorés (dont les PCB) ou fluorés (dont les PFAS), organiques persistants, inorganiques), puis sur des mélanges de ces polluants, et enfin sur des extraits prélevés sur le « terrain ». Avant d’envisager le déploiement terrain pour réaliser les preuves de concept (PoC) en phase terminale du projet, il s’agira aussi de déterminer, avec le partenaire spécialisé en dépollution de sites et sols pollués, la forme technique la plus adéquate pour un déploiement optimisé sur le terrain (fibres libres, fibres en faisceau, filtres membranaires, filtres chaussettes, …).
Les retombées du projet FADEAU se situent au niveau environnemental avec une réduction importante du coût carbone de la dépollution, notamment en proposant une alternative localement biosourcée et produite à basse température par rapport aux techniques existantes. Le second volet majeur de l’impact de ce projet est la réduction des coûts financiers de mise en oeuvre. En effet le produit étant local, biosourcé, mis en oeuvre par l’industrie française et adaptable aux solutions existantes, le coût de production devrait être sensiblement inférieur au charbon actif, de plus le déploiement sur sites ne nécessitera pas d’investissements lourds par les acteurs terrains.
Partenaires
WESSLING France (coordinateur), BIOBASIC ENVIRONNEMENT, CEA- COMMISSARIAT A L' ENERGIE ATOMIQUE ET AUX ENERGIES ALTERNATIVES
Détails du projet
Début et fin de projet : Juillet 2024 à Décembre 2027
792k€ Montant total du projet
301k€ Aide projet