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Le projet en deux mots

Les sites pollués par des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) contiennent également des composés aromatiques polycycliques oxygénés (CAP-O). Les CAP-O, qualifiés de composés d'intérêt émergent, sont susceptibles d'être plus mobiles que les HAP et de présenter un risque pour l'environnement et la santé humaine. Le projet MEMOTRACES vise à comprendre les mécanismes de mobilité et de transfert des CAP-O dans les sols et, au final, à évaluer de la nécessité de les inclure dans les programmes de surveillance des sites contaminés par des HAP.

Contexte et enjeux

Dans les pays à forte tradition industrielle comme la France, de nombreux sites contaminés aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont recensés. A titre d’exemple, en France, la base de données BASOL identifie à ce jour plus de 850 sites pollués (ou potentiellement pollués), appelant une action des pouvoirs publics, à titre préventif ou curatif. Au total, 16 HAP ont été classés par l’US EPA en raison de leur grande toxicité et correspondent aux composés qui sont classiquement suivis dans les eaux souterraines sur ces sites. Les HAP sont d’un grand intérêt lors d’études de risque puisqu’ils sont toxiques (effets systémiques, cancérigènes, mutagènes…). Cependant, d’autres familles de composés aromatiques polycycliques (CAP) peuvent aussi contribuer à l’impact et donc au risque pour l’Homme et l’environnement. Parmi elles, les CAP oxygénés (CAP-O) constituent l’une des familles de contaminants pour laquelle l’intérêt est grandissant, ne bénéficiant de connaissances scientifiques suffisamment établies à ce jour. Leur étude est pertinente car :

  • les CAP-O sont initialement présents au même titre que les HAP dans les sources de pollution (goudron de houille, créosote…),
  • ils font également partie des produits de transformation intermédiaires voire finaux issus des processus chimiques et biologiques de dégradation des HAP traditionnellement suivis. Ils peuvent donc se former et s’accumuler lorsque les HAP sont dégradés aussi bien en contexte d’atténuation naturelle que lors de traitements de remédiation,
  • ces CAP oxygénés sont plus polaires que les 16 HAP de l’US EPA. Ils sont ainsi plus solubles dans l’eau, donc potentiellement plus mobiles dans les sols et pourraient de ce fait présenter un risque actuellement non identifié pour les ressources en eau et pour l’Homme et l’Environnement,
  • leur toxicité pour l’Homme et l’Environnement est avérée. Il a été montré que certain d’entres eux étaient en effet plus toxiques que les 16 HAP US EPA.

Les différentes problématiques ciblant les CAP-O (source, formation, mobilisation) ont conduit à un programme de recherche soutenu dans le cadre de l’appel à projet Snowman III intitulé PACMAN qui a impliqué deux des partenaires du programme MEMOTRACES (LIEC – GéoRessources). Les résultats majeurs de ce projet ont montré (i) que dans les sites contaminés aux HAP, des CAP polaires sont toujours présents en quantité importante, (ii) que certains traitements chimiques et/ou biologiques conduisent à un enrichissement (relatif ou absolu) en certains CAP-O (cétones aromatiques) et (iii) que les CAP polaires sont préférentiellement mobilisés par l’eau par rapport aux HAP réglementaires. Néanmoins, les travaux réalisés dans le cadre de PACMAN sont restés limités à une évaluation du potentiel de mobilisation des CAP sans objectif de compréhension des mécanismes influençant la quantité mobilisée et le mode de transfert.

Actuellement, les diagnostics et programmes de surveillance des sites contaminés par des HAP ne prennent pas en compte les CAP oxygénés puisque les données scientifiques (caractérisation, identifications, comportements…) et techniques (notamment les analyses en routine) les concernant sont encore limitées. De ce fait, ils ne font pas l’objet de réglementation. En ne suivant que les HAP, le potentiel risque d’un site contaminé peut donc être sous-estimé. Aussi, il est indispensable d’acquérir des connaissances scientifiques sur la mobilité des CAP-O dans les sols, sur leur transfert vers les eaux souterraines, afin de mieux comprendre leur comportement et leur devenir dans l’environnement.

Le présent projet de recherche MEMOTRACES vise donc à produire des connaissances nouvelles sur les paramètres et les mécanismes contrôlant la mobilisation et le transfert des CAP-O, de l’échelle du laboratoire jusqu’à celle du terrain. La connaissance et l’identification de ces paramètres sont primordiales pour l’utilisation des conditions en entrée des codes de calculs en vue de la modélisation de la mobilisation et du transfert des CAP-O.

Objectifs

Les objectifs de ce projet sont :

  • d’étudier la mobilisation des CAP-O dans les sols à l’aide d’expériences en batch par la mise en évidence des mécanismes responsables et des principaux facteurs contrôlant ces mécanismes (facteurs physico chimiques des sols et des solutions) ;
  • d’améliorer nos connaissances sur la mobilisation et l’émission des CAP-O dans la zone saturée dans les sols par le biais de travaux en colonne de laboratoire. L’investigation de la phase dissoute est privilégiée, puisque les CAP-O sont plus polaires donc susceptibles de migrer préférentiellement sous forme dissoute par rapport aux HAP traditionnels. Néanmoins, le transport particulaire/colloïdal, qui peut jouer un rôle important dans la mobilité des CAP-O dans les sols comme c’est le cas pour les HAP de hauts poids moléculaires, est également pris en compte ;
  • de suivre du transfert des CAP-O dans la zone non saturée par la mise en place et le suivi d’un dispositif de terrain (colonne lysimétrique avec une partie supérieure contaminée (terme source) et une partie inférieure non contaminée (transfert)) en condition naturelle (sans forçage) puis avec injection d’eau (simulation de pluie) ;
  • de réaliser un travail à différentes échelles : du laboratoire (batch et colonne) à l’échelle pilote (colonne lysimétrique), puis sur site atelier ;
  • de proposer l’ajout de paramètres clefs dans des modèles géochimiques afin de mieux prédire la mobilisation et le transfert des CAP dans les sols en prenant en compte les mécanismes identifiés.

Au cours de toutes ces étapes, les 16 HAP US EPA sont suivis tout comme une sélection de CAP-O (11 molécules) afin de mettre en évidence une mobilisation et un transfert des CAP-O de manière concomitante ou non aux HAP.

Résultats

Les travaux du programme MEMOTRACES arrivent à leur terme. Ils confirment une mobilisation préférentielle des CAP-O par rapport aux HAP. La mobilisation dans les sols des CAP-O ainsi que celle des HAP de faible poids moléculaire est essentiellement pilotée par des processus de dissolution des goudrons (loi de Raoult). Néanmoins, alors que les prédictions de mobilisation des CAP-O sont satisfaisantes pour des pollutions récentes, un paramètre fondamental doit être pris en compte dans le cadre des pollutions historiques : la disponibilité des contaminants. En effet, au cours du « vieillissement » de la pollution (« aging »), la fraction résiduelle non (bio)dégradée s’associe fortement à la matrice sol et de ce fait devient faiblement réactive face à des processus d’ordre biologique, chimique ou physique. Ainsi, quelles que soient les conditions de mobilisation (statique-batch ou dynamique-colonne), pour un même niveau de contamination (quantité et qualité), la teneur en CAP dans les eaux est fortement conditionnée par le niveau de disponibilité de la pollution. De plus, pour une forte disponibilité des CAP, les autres paramètres testés (force ionique, température) ont une influence limitée sur la mobilisation alors que pour une faible disponibilité, ils peuvent avoir une influence notable. Par ailleurs, la mobilisation des CAP-O par les colloïdes semble limitée alors qu’elle est prépondérante pour les HAP de haut poids moléculaires notamment dans le cas d’une eau présentant une force ionique faible.

Les essais réalisés sur une colonne lysimétriques remplie avec une terre de cokerie contaminée (issue du site atelier) au 2/3 supérieure et avec une terre prélevée sur le même site mais non contaminée pour le 1/3 inferieur confirme une mobilisation préférentielle des CAP-O par rapport au HAP. Au cours de la percolation des eaux contaminées en CAP dans la terre non contaminée, il est observé une sorption préférentielle des HAP par rapport aux CAP-O.

Les campagnes de prélèvements d’eaux souterraines sur le site atelier du projet (ancienne cokerie de Lorraine) ont mis en évidence la présence de CAP-O dans les eaux souterraines (entre 11 et 15 % du total des CAP dosés (16 HAP US EPA et 11 CAP-O) avec une hiérarchisation des concentrations au droit des différents piézomètres échantillonnés identique à celle mise en évidence pour les 16 HAP US EPA. Lors d’une campagne de prélèvement, les eaux issues de deux piézomètres ont fait l’objet d’ultra-nano-filtrations pour distinguer le transport des CAP sous forme dissoute (phases colloïdale et dissoute « vraie ») et particulaire. Excepté un CAP-O spécifique (dibenzofurane) associé principalement à la fraction particulaire et colloïdale, les autres CAP-O sont majoritairement transportés sous forme dissoute « vraie ». Cependant, ces observations concernant les voies de transport des HAP et des CAP-O à l’échelle d’un site ne sont pas généralisables à ce stade. En effet, la configuration du site en bordure immédiate de rivière mais également le faible nombre de piézomètres échantillonnés (2 piézomètres en latéral et en aval immédiat d’une source de pollution) ne permettent pas de mettre en évidence une éventuelle migration de ces colloïdes et particules sur de longues distances et leur éventuel transport au-delà des limites d’un site dans les eaux souterraines.

Aux différentes échelles expérimentales utilisées (colonnes de laboratoire et lysimétrique), il a été clairement mis en évidence que la composante biologique a une influence très forte. Ainsi, une fois sous forme dissoute, les HAP mais également les CAP-O sont fortement biodégradés sans que des sous-produits (notamment CAP-O) n’aient pu être mis en évidence.

Partenaires

Univ. de Lorraine (coordinateur), CNRS, INERIS, GeoRessources et GISFI

Détails du projet

Début et fin de projet : Décembre 2013 à Mai 2017

598k€ Montant total du projet

225k€ Aide projet

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