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Le projet en deux mots

Les eaux souterraines de nombreux sites industriels sont contaminées par des métaux lourds, nécessitant une surveillance précise. Le projet DGT-H2O-STR vise à préciser le potentiel du DGT, un échantillonneur passif qui offre une alternative aux techniques conventionnelles pour le suivi des pollutions métalliques, en permettant une mesure intégrative dans le temps.

Contexte et enjeux

L’eau souterraine de nombreux anciens sites industriels, notamment ceux faisant intervenir une activité extractive des métaux ou de recyclage, est polluée par différents métaux lourd comme le cadmium, le zinc et le plomb. Le cadre réglementaire actuel est favorable à l’acquisition de connaissances sur les masses d’eau souterraines. En effet, la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) adoptée en 2000 par le Parlement Européen met l’accent sur l’importance de «protéger, améliorer, restaurer les masses d’eau, dans l’objectif de retrouver un bon état écologique à l’échéance 2015» et met à l’index certains métaux dont le cadmium et le plomb. Cela nécessite en amont de bons outils de caractérisation de la pollution. La DCE a été complétée, en novembre 2006 par la directive 2006/118/CE au niveau européen, puis transposée en droit français par la circulaire 2006/18. Une circulaire du 7 mai 2007 du MEDD a ensuite défini les normes de qualités environnementales provisoires pour 41 substances impliquées dans l’évaluation de l’état chimique des masses d’eau. L’Arrêté du 17 décembre 2008 établit quant à lui les critères d’évaluation et les modalités de détermination de l’état des eaux souterraines pour une liste minimale de paramètres et valeurs seuils retenues au niveau national.

Dans le domaine des sites et sols pollués, la méthodologie amène à avoir une surveillance d’un site pollué par rapport à son environnement. Les méthodes de surveillance conventionnelles consistent en des prélèvements ponctuels qui ne sont donc représentatifs de la zone à l’étude qu’à un moment donné et qui, de plus, entrainent une perturbation du milieu (mélange possible entre la zone étudiée et d’autres zones en cas d’étude de stratification et donc modification des concentrations des composés recherchés dans la zone à l’étude).

Les échantillonneurs passifs intégratifs comme les DGT (Diffusive Gradient in Thin film) sont actuellement une méthode émergente qui permet une surveillance à long terme grâce à une mesure intégrée et un lissage des concentrations dans le temps tout en minimisant les perturbations associées aux méthodes conventionnelles. Il est intéressant de savoir si cette technique peut permettre de suivre les mêmes tendances de variations que l’échantillonnage d’eau classique. Par ailleurs, cette méthode cherche à obtenir une meilleure connaissance du milieu par une mesure multi-métallique intégrative dans le temps à un coût compétitif. De plus, les DGT mesurent les métaux labiles, autrement dit les métaux potentiellement biodisponibles. L’utilisation de cette méthode pourrait également alimenter les travaux visant à étudier l’évaluation des transferts vers les êtres vivants.

Permettant d’améliorer et de consolider le diagnostic des eaux souterraines dans le contexte des sites industriels pollués, cette méthode DGT gagnerait donc à être utilisée plus largement dans la surveillance de sites industriels et le suivi de travaux de dépollution.

Cependant, la méthode DGT présente un biais non négligeable en milieu peu agité : l’existence d’une couche limite de diffusion qui est variable en fonction de la vitesse du flux des eaux souterraines au niveau du DGT et qui peut être significative pour des mesures précises dans le cas de milieux peu agités.

Objectifs

La caractérisation des pollutions en eaux souterraines est souvent réalisée par un forage et prélèvement ponctuel dans un piézomètre suivi d’une filtration sur site à 0,45μm et d’analyses en laboratoire par les techniques disponibles (ICP-MS ou ICP-AES pour les métaux). Ces mesures sont par leur nature non intégrative et ne permettent pas de quantifier correctement les flux de polluants en cas de flux de nappe important et/ou de pollution ponctuelle. En effet, pour approcher quelque peu une mesure intégrative avec les prélèvements d’eau actuels, il faudrait mettre en place un préleveur automatique faisant des prélèvements ponctuels répétés dans la journée ce qui représente un investissement important. Le projet se propose donc de fournir une méthode intégrative dans le temps à un coût économiquement viable en utilisant des triplicas de DGT dans des piézomètres. Toutes les expériences sont menées in situ sur un site industriel afin :

  • de déterminer l’efficacité des DGT (Diffusive Gradient in Thin films) dans des piézomètres pour une mesure intégrative des métaux (Cd, Pb, Zn) dans les eaux souterraines en vue d’utiliser cette méthode tant pour la caractérisation des transferts de pollution que pour la surveillance environnementale ou encore pour le suivi des opérations de dépollution. ;
  • d’améliorer la méthode des DGT par la mise au point d’un support permettant de limiter la couche limite de diffusion qui présente une incertitude de mesure de la méthode.

A terme, cette méthode DGT pourrait être développée dans la surveillance environnementale, le suivi de travaux de dépollution, la détection de sources de pollutions dans les milieux naturels ou réseaux d’eaux usées, une meilleure connaissance des eaux souterraines par étude de stratification. De plus, les DGT (Diffusive Gradient in Thin film) ne mesurant que les métaux labiles, autrement dit les métaux potentiellement biodisponibles, l’utilisation de cette méthode pourrait alimenter les travaux visant à étudier l’évaluation des transferts en écotoxicologie, bien que ce ne soit pas l’objet de l’expérimentation de ce projet.

Résultats

L’échantillonneur passif DGT capte de façon intégrative des espèces labiles, sous-fraction du dissous, proche de la biodisponibilité dans les milieux aquatiques. Utilisé le plus souvent en milieux naturels, cette étude a montré que cet outil peut y compris être utilisé dans les eaux souterraines de sites industriels pollués. Le type d’éléments à échantillonner détermine le choix de la résine fixatrice (Chelex pour les cations métalliques tels Pb, Cd, Zn, Co, Cu, Ni, résine fer oxyde, oxyde de titanium (Metsorb) ou oxyde de zirconium pour les oxianions tels As, Sb, U, V ou P, résine Spheron-thiol pour le mercure, résine N-méthyl-D-glucamine pour le CrVI, XAD18 pour certains antibiotiques et HLB pour échantillonner certains pesticides polaires). Il est nécessaire de bien connaitre l’affinité des éléments à échantillonner à la résine, la capacité d’adsorption de la résine avant saturation et les conditions d’utilisation de cette dernière. Le présent projet a porté sur les polluants Cd, Zn et parfois Pb présents habituellement sur les anciens sites à activité métallurgique. La résine Chelex est appropriée pour les cations métalliques recherchés et le pH de l’eau du site d’étude respecte la gamme de pH d’utilisation de la résine Chelex (pH 5 à 9).

Une étude de saturation peut être nécessaire pour estimer le temps de déploiement en fonction des concentrations en contaminants. Elle peut être précédée d’une simulation par un logiciel de spéciation des espèces chimiques sur la base des éléments analysés par un prélèvement d’eau filtrée à 0,45 μm avant un test in situ. De façon générale, les DGT peuvent être exposés plusieurs semaines lorsque le site présente des contaminants avec une concentration de l’ordre du μg/L alors que l’exposition se limitera à quelques heures si la concentration est de l’ordre du mg/L. L’épaisseur du gel diffusif peut être adaptée en fonction des concentrations en présence et du temps d’exposition recherché. Pour l’utilisation d’un gel diffusif en polyacrylamide utilisé classiquement; du fait de sa composition, la concentration en Na+ doit être supérieure à 2*10-4 mol.L-1 ce qui est le cas pour la majorité des solutions. Dans certains cas, un gel en agarose peut remplacer le gel en polyacrylamide pour la diffusion. Cependant, les coefficients de diffusion à prendre en compte ne sont pas les mêmes. Dans le cadre de cette étude, des DGT prêts à l’emploi classiquement commercialisés avec un gel diffusif en polyacrylamide ont été utilisés. Lors de cette étude de saturation, il a été mis en évidence que l’échantillonnage du manganèse avec de la résine Chelex ne peut se faire sur une durée supérieure à la douzaine d’heures y compris dans un milieu de pH neutre du fait de la faible affinité du cation Mn2+ à la résine Chelex. Cette faible affinité à la résine comparée à d’autres cations peut entrainer un phénomène de compétition et un relargage du Mn2+ sur un temps d’exposition long. Cependant, ce phénomène n’a pas été observé et n’est pas à craindre pour les autres métaux.

La comparaison des résultats d’échantillons moyens de métaux dissous suite à des prélèvements ponctuels fréquents avec les métaux labiles échantillonnés par échantillonneurs passifs DGT sur les mêmes périodes (2 semaines) pendant une durée de six mois montre une bonne corrélation. Il a été mis en évidence une variation temporelle des concentrations métalliques dans les eaux souterraines en relation avec la pluviométrie qui entraine un effet supposé de « chasse d’eau » lors du lessivage des sols pollués à proximité de la nappe. Cette relation est bien suivie tant par les prélèvements ponctuels fréquents réalisés toutes les 6h que par les DGT. Il a par contre été observé que pendant un épisode pluvieux fort et ponctuel, les métaux dissous peuvent être présents dans les eaux souterraines sous forme dissoute mais non labile. La faible dispersion des triplicatas de DGT lors de ce phénomène confirme ce point en écartant l’erreur de manipulation.


Les DGT nécessitent de prendre quelques précautions simples lors du déploiement et du retrait (gants vinyle, ne pas mettre les doigts sur la fenêtre d’exposition, déploiement d’un témoin d’exposition, rinçage à l’eau ultra pure, s’assurer de l’immersion du dispositif in situ pendant toute la durée du déploiement, noter précisément la durée d’exposition, mesurer in situ la température de l’eau) et la tenue d’une fiche terrain. La norme NF EN ISO 5667-23 a été rédigée concernant les échantillonneurs passifs mentionnant ces principales précautions.

Du fait de son caractère intégratif in situ les DGT ne présentent pas de problèmes de contamination liés à la collecte conventionnelle et à la filtration d’échantillons d’eau ni de phénomènes de perte d’information par adsorption des éléments chimiques sur les parois des flacons lors de vieillissement d’échantillons dans le cas des échantillonneurs automatiques laissés sur les terrains. Les DGT s’affranchissent des problèmes climatiques hivernaux qui peuvent entrainer du gel dans les tuyaux et une absence de prélèvement des préleveurs automatiques. D’autre part, du fait de la pré-concentration sur la résine, les DGT permettent d’échantillonner de faibles concentrations quand les analyses de prélèvements d’eau ponctuels se heurtent plus rapidement aux limites de quantification. De plus, ne nécessitant pas de maintenance, ils peuvent être économiquement compétitifs face aux préleveurs automatiques.

Par ailleurs, cette étude a pu tester l’utilisation des échantillonneurs passifs DGT pour l’étude de stratification des eaux souterraines sans perturbation majeure du milieu de façon simple et à moindre coût par rapport à la technique de pompage avec packers(obturateurs). Il est recommandé de réaliser préalablement une diagraphie (mesure des paramètres pH, conductivité, température, oxygène dissous, potentiel d’oxydo-réduction à différentes profondeurs…) en faisant descendre une sonde multi-paramètre très lentement dans le piézomètre. Si la diagraphie met en évidence une hétérogénéité des paramètres, l’étude de stratification des substances recherchée peut se faire par DGT. Une stratification nette a été mise en évidence par cette méthode dans le cadre de cette étude. Bien sûr, il s’agit d’un outil et pour l’interprétation des résultats il conviendra que l’opérateur s’interroge sur la représentativité des mesures par rapport à la nappe (log de sondage, perméabilité du sol, vitesse de renouvellement en eau du piézomètre…).

Cependant dans les eaux souterraines, du fait du faible renouvellement de l’eau à la surface du capteur, il peut se former une zone à proximité de celui-ci où le phénomène de diffusion prédomine sur le transport des espèces habituel dans le milieu, appelée couche limite de diffusion. Cette couche de diffusion dont l’épaisseur varie en fonction du milieu d’exposition vient s’ajouter à celle du gel diffusif. La non prise en compte de ce biais entraine une sous-estimation des concentrations labiles mesurées. Une simulation par calcul montre que si cette couche limite de diffusion nommée DBL (Diffusive Boundary Layer) est inférieure ou égale à 0,5 mm, ce qui est parfois le cas selon la bibliographie, la sous-estimation est inférieure ou égale à 20%, ce qui peut être considéré comme acceptable par rapport à des incertitudes de mesure laboratoire classique. Cependant, d’autres sources bibliographiques font état d’une DBL plus importante qui serait alors non négligeable. Dans le cadre de cette étude, la DBL a été mesurée in situ dans le piézomètre ayant fait l’objet de l’étude de saturation et de la comparaison entre mesure DGT et prélèvements ponctuels fréquents. Une DBL de 2,2 à 2,3 mm a été mesurée. Dans le cadre d’une mesure quantitative précise qui peut avoir son importance notamment dans le cas de l’utilisation de cet outil dans le domaine écotoxycologique, il serait intéressant de rendre ce biais négligeable ou tout du moins intégrer ce biais dans les calculs.

En outre, si le but recherché est une évolution au cours du temps dans le cadre de monitoring ou identifier la profondeur la plus polluée d’une nappe dans le cadre d’une étude de stratification, les DGT peuvent être utilisés qualitativement sans tenir compte de ce biais. Par leur caractère intégratif à un coût économiquement compétitif, ces outils auraient tout intérêt à être développés pour une utilisation à bon escient.

Partenaires

MINELIS (coordinateur), IRSTEA, UT2A, CRITT

Détails du projet

Début et fin de projet : Décembre 2013 à Août 2016

139k€ Montant total du projet

84k€ Aide projet

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