Le projet en deux mots
Le projet BATENQUE est une étude interdisciplinaire du système climat, bâtiments, énergie et qualité de l’air. L’évolution de la qualité de l’air extérieur et intérieur et de l’exposition de la population en Île-de-France à horizon 2050 a été simulée sous l’influence du changement climatique et de la transition du parc de logements. Deux trajectoires de neutralité carbone en 2050, issues des scénarios « Transition(s) 2050 » de l’ADEME, ont été développées pour quantifier l’impact du parc de logements de la région Île-de-France sur la qualité de l’air et l’exposition de la population (en faisant abstraction de l’évolution des autres secteurs : transport, industrie…). Chaque version du parc a été caractérisée par des bâtiments plus ou moins performants, des systèmes énergétiques et de ventilation différents et des comportements qui évoluent à des degrés variés.
Contexte
Le secteur des bâtiments est responsable d’environ 40 % de la consommation énergétique et de 36 % des émissions des gaz à effet de serre (GES) en Europe. Les pays membres de l’Union européenne se sont engagés à une réduction de 55 % des émissions des GES d’ici à 2030 dans l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour cela, ils ont adopté des directives qui imposent des critères de performance aux bâtiments afin de réduire leurs émissions des GES. Si différentes études ont montré des co-bénéfices des politiques de neutralité carbone pour la qualité de l’air, ces mêmes études soulignent que ces co-bénéfices sont moins clairs pour le secteur du bâtiment, et que ces politiques peuvent même être antagonistes. Par exemple, l’utilisation de biomasse renouvelable pour le chauffage est une source d’émission importante de polluants atmosphériques. De la même manière, le renforcement de l’étanchéité des logements peut, en l’absence de ventilation efficace, dégrader la qualité de l’air intérieur.
Objectifs
Le projet BATENQUE a évalué comment le changement climatique et la transition du parc de logements francilien (consommation énergétique, isolation, ventilation…) pourraient affecter la qualité de l’air extérieur et intérieur et l’exposition de la population en Île-de-France à horizon 2050.
Synthèse des résultats
Consommation énergétique
Les contributions relatives du climat et de la transition du parc de logements ont été quantifiées. La consommation totale d’énergie (tous vecteurs confondus) du parc francilien en 2050 diminue d’environ 40 % dans le scénario « Tendanciel » et de 75 % dans le scénario « Sobriété ». Cependant, le scénario « Tendanciel » aboutit à une augmentation de 40 % de l’utilisation du bois pour le chauffage et de 15 % de la consommation d’électricité. Globalement la contribution du climat reste faible par rapport à la transition du parc (sauf pour les périodes caniculaires).
Émissions des polluants atmosphériques
Sous la seule influence du climat, les émissions de tous les types de polluants diminuent. La diminution est plus marquée en période estivale, hors canicule (-30 %) qu’en hiver (-10 %). La transition du parc a un impact différent selon les polluants. Ainsi, malgré la diminution liée au climat, le scénario « Tendanciel » est associé à une hausse importante des émissions des composés organiques volatiles (+20 %) et des particules en suspension de diamètre inférieur à 2,5 μm (PM2,5) (+10 %) en période d’hiver moyen (+30 et +20 % pour les périodes de grand froid). Cela est dû à l’utilisation intense de la biomasse (bois) dans ce scénario, notamment associée à la construction neuve. La réduction importante des émissions des oxydes d’azote est quant à elle en grande partie liée à la diminution de l’utilisation du gaz. Pour le scénario « Sobriété », les émissions de ces trois polluants (COV, PM2,5 et NO2) diminuent fortement.
Le projet BATENQUE a produit une cartographie de l’exposition de la population de la région parisienne aux polluants réglementés (NO2, O3 et PM2,5) pour différents scénarios de transition neutralité carbone du parc de logements et en prenant en compte l’évolution du climat à horizon 2050. Il est montré que si l’évolution du climat a un impact positif en hiver sur l’exposition aux PM2,5 et au NO2, la « sobriété » est nécessaire pour que ces effets ne soient pas contrebalancés par les émissions associées à la transition « tendancielle ».
Qualité de l’air extérieur
La contribution du climat et de la consommation énergétique sur la concentration des trois polluants, dioxyde d’azote (NO2), ozone (O3) et particules fines (PM2,5), a été quantifiée. Pendant les périodes d’hiver moyen, la concentration de NO2 et des PM2,5 diminue avec le réchauffement climatique en 2050, en raison de la réduction de la consommation d’énergie pour le chauffage. Au contraire, la concentration d’ozone progresse de 20 % par rapport à sa concentration en 2020. Cette augmentation est liée à la fois à des températures et à des taux d’ensoleillement plus importants en hiver par rapport à 2020. À l’inverse, pour les périodes de grand-froid en 2050, les concentrations de NO2 et des PM 2,5 grimpent respectivement de 8,1 % et 15,1 %.
Si l’on regarde l’influence de la transition du parc de logements, en période d’hiver moyen, les concentrations de tous les polluants (sauf l’ozone) reculent pour les deux scénarios. En période de grand-froid, les concentrations des PM2,5, de NO et NO2 augmentent sous l’influence de la transition du parc. Cela est dû à la forte sollicitation du chauffage combinée à des situations anticycloniques accentuées en 2050, et notamment à un vent bien plus faible.
Qualité de l’air intérieur et exposition
Le type de ventilation a un effet direct sur l’exposition des populations aux PM 2,5 et à l’ozone : ainsi, cette dernière exposition peut être jusqu’à 7 μg/m3 plus élevée dans un logement avec une VMC flux autoréglable que dans un logement sans système de ventilation. Les logements avec une VMC évacuent par ailleurs plus efficacement le NO2 vers l’extérieur : l’exposition médiane au NO2 dans ces logements est 20 % plus faible que dans les logements sans système de ventilation.
L’exposition aux PM 2,5 et au NO2 en 2050 selon la projection « Sobriété » du parc (SOB) est réduite de 13 % et 24 % respectivement sur les valeurs médianes par rapport à l’exposition en 2020. Au contraire, la projection « Tendanciel » du parc mène à une augmentation de l’exposition aux PM 2,5 de 12 % sur la valeur médiane, reflétant l’impact du chauffage au bois. L’exposition médiane au NO2 diminue de 14 % selon le scénario « Tendanciel ». Les deux scénarios sont associés à une augmentation importante de l’exposition à l’ozone : +5 et +7 μg/m3 pour le parc « Tendanciel » et « Sobriété » respectivement.
Coordinateur
- Myrto VALARI, LMD (Laboratoire de météorologie dynamique)
Partenaires
- LMD
- Laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques (LISA)
- Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB)