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Le projet en deux mots

Le projet TROPHé a consisté à améliorer la compréhension des transferts et de la bioaccumulation des polluants organiques persistants, comme les PCB et PCDD/F, afin de mieux évaluer les risques pour l'homme et les écosystèmes. La complémentarité et combinaison de ces deux approches a également été étudiée.

Contexte et enjeux

Les modalités de gestion des sites et sols (potentiellement) pollués en France sont encadrées par des circulaires ministérielles accompagnées de guides méthodologiques, reposant sur une politique de gestion du risque selon l’usage. Parmi les outils méthodologiques disponibles, l’Evaluation des Risques Sanitaires (ERS) est l’outil qui permet d’apprécier les risques sanitaires afin d’évaluer la compatibilité des milieux avec les usages constatés (Interprétation de l’Etat des Milieux) ou avec les usages futurs (Plan de Gestion). L’ERS s’appuie usuellement sur les résultats des analyses physico-chimiques réalisées, dans la mesure du possible, dans les différents compartiments environnementaux pertinents au regard de l’exposition, identifiés par le schéma conceptuel.

Néanmoins, dans le cadre de projets de reconversion et afin de définir les usages envisageables, à défaut de possibilités de réalisation de mesures (ex : végétaux autoproduits, dans le cadre d’un projet intégrant des jardins potagers), l’ERS nécessite le recours à des modèles de transfert.

Que ce soit pour l’évaluation des risques liés à l’ingestion de sol superficiel ou au transfert dans la chaîne alimentaire et/ou trophique (via modélisation), l’approche usuelle nécessite de disposer de coefficients de transfert du sol vers les végétaux et/ou les animaux pour évaluer les expositions et ensuite les traduire sous forme de niveaux de risques associés. Enfin, bien que la protection de l’environnement naturel soit mentionnée dans les annexes de la circulaire ministérielle du 8 février 2007, dans les faits, rares sont les études qui s’attachent à l’évaluation des Risques pour les écosystèmes (éRé).

Objectifs

Le projet TROPHé porte sur les polluants organiques persistants (POP) tels que les PCB et les PCDD/F dont la persistance dans l’environnement et la bioaccumulation au niveau des tissus adipeux des animaux (notamment poissons et produits laitiers) sont relativement bien documentés et règlementés. Ce projet s’est articulé autour de trois objectifs principaux :

  • améliorer les connaissances sur les transferts, la bioaccumulation et la biodisponibilité des PCB et des PCDD/F (35 substances) au sein de la chaine alimentaire et des réseaux trophiques, dans le but d’avoir une meilleure prise en compte de ces mécanismes dans les ERS et les éRé, dans le cadre de la gestion des sites et sols pollués ;
  • évaluer les expositions et les risques à l’aide des outils de modélisation MODUL’ERS (outil multi-compartiment créé et développé par l’INERIS pour l’évaluation des risques sanitaires chez l’Homme) dans le cadre d’une ERS, et Terrasys (développé par SANEXEN) utilisé lors des éRé ;
  • identifier des étapes et des outils communs entre les études ERS et éRé afin d’améliorer les analyses environnementales qui nécessitent aujourd’hui d’être développées et structurées.

Résultats

La culture de végétaux potagers et l’exposition de vers de compost à des terres plus ou moins contaminées aux PCB et aux PCDD/F permettent de mettre en évidence un transfert de ces substances dans le réseau trophique, et dans une moindre mesure, dans la chaine alimentaire au travers de la consommation de légumes cultivés. Les facteurs de bioconcentration (BCF) sont globalement plus élevés pour les PCB que pour les PCDD/F à la fois pour les végétaux et les invertébrés, avec des valeurs BCFmoyen obtenus sur les 4 mailles comprises dans la gamme 10-2 et 2 pour les vers de compost, et dans la gamme 10-4 -1 pour les végétaux potagers (pomme de terre, carotte, salade, haricot, courgette). Quelques valeurs de BCFmoyen sont comprises entre 1 et 15 pour les PCB les moins chlorés (moins de 5 atomes de chlore) au niveau des laitues cultivées, et pour la majorité des PCB au niveau des courgettes.

Les valeurs BCF peuvent varier, pour les végétaux, jusqu’à deux ordres de grandeur selon le niveau de contamination des sols, alors que cette variation est inférieure à un ordre de grandeur pour les vers de compost. Pour les végétaux, les PCB coplanaires non-ortho substitués (PCB 77, PCB 81, PCB 126 et PCB 169) présentent des valeurs BCF inférieures.

Concernant le niveau d’exposition lors de l’ingestion non intentionnelle de sol, l’étude de sensibilité des paramètres montre l’influence notable de la quantité ingérée retenue et de la concentration des polluants organiques sur la fraction adhérente aux mains (fraction granulométrique inférieure à 250 μm), et dans une moindre mesure, celle de la biodisponibilité relative en raison des pourcentages élevés obtenus pour les PCB indicateurs (> 80%).

Quant à la consommation de végétaux, l’exposition diffère selon les classes d’âge, en raison du bol alimentaire spécifique à chaque classe d’âge et d’une contribution de chaque congénère variable en fonction du végétal considéré, avec une proportion plus élevée de PCB apportés par l’alimentation. Il en résulte que l’ingestion de POPs via les sols et les végétaux cultivés sur des sols contaminés constitue une voie majeure pour l’exposition des populations, notamment des enfants. L’exposition par ingestion non intentionnelle de sol pour les PCDD/F est, pour les enfants, sensiblement équivalente à celle par ingestion de végétaux cultivés. La considération de valeurs de BCF estimés pour les polluants disposant de concentrations inférieures aux limites de quantification du laboratoire constitue une approche conservatoire pouvant toutefois aboutir à surestimer sensiblement le risque sanitaire.

Concernant le risque, ce sont majoritairement les PCDD/F et le PCB126 qui tirent le risque sanitaire en cas de consommation de végétaux cultivés sur des sols pollués, notamment pour les enfants, en raison de leurs valeurs toxicologiques élevées alors que ces polluants sont peu transférés dans les végétaux par rapport aux autres PCB.

Le retour d’expérience de l’application du logiciel TerraSys pour évaluer les risques pour les écosystèmes met en évidence la sensibilité de certains paramètres. En l’absence de PNEC (concentration sans effet prévu) pour les PCB et les PCDD/F, l’évaluation du risque pour les écosystèmes n’a pas pu être menée à terme, seule l’exposition a pu être évaluée. Les BCF peuvent être considérés comme les paramètres essentiels de l’évaluation des transferts de substances. Seules les valeurs de BCF avec un indice de confiance élevé (par exemple ne pas retenir des valeurs estimées à partir de concentrations mesurées inférieures à la limite de quantification) devraient être retenues. De plus, la valeur maximale du BCF, et non sa valeur moyenne, permet de ne pas sous-estimer le transfert de la substance aux maillons les plus élevés du réseau trophique.

En ce qui concerne la description du réseau trophique, il semble suffisamment protecteur de constituer un modèle conceptuel simplifié à la condition d’y intégrer des organismes situés à plusieurs niveaux de relations trophiques. Un premier prédateur suivi d’un prédateur supérieur semble constituer un minimum pour ne pas sous-estimer le transfert de ces contaminants dans l’écosystème.

A ce jour, les risques pour l’Homme sont davantage évalués que ceux pour les écosystèmes en raison des outils existants, de la connaissance des scénarii d’exposition et des valeurs toxicologiques de référence disponibles dans la littérature. Les approches d’évaluation du risque sanitaire pour l’Homme et du risque pour les écosystèmes restent complémentaires pour appréhender l’impact des PCB et des PCDD/F sur l’Environnement.

Les suites du projet TROPHé portent à la fois sur l’acquisition de nouvelles valeurs de transfert dans d’autres contextes que ceux rencontrés ici (multi-pollution en PCB et PCDD/F, sol sableux, 5 espèces végétales et 1 invertébré terrestre), et sur la compréhension des phénomènes influant sur les transferts sol-plante / sol-invertébré et, par conséquence sur les risques pour l’Homme et pour les écosystèmes. Les études de sensibilité des paramètres restent essentielles pour appréhender leur influence sur l’évaluation des risques, notamment pour les écosystèmes en raison de l’absence d’outils méthodologiques.

Partenaires

INERIS (coordinateur)

Détails du projet

Début et fin de projet : Décembre 2013 à Mai 2017

306k€ Montant total du projet

245k€ Aide projet

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